vendredi 3 avril 2009

"On ment pas, on triche pas, on vole pas"

Samedi 28 mars, le championnat d'Afrique des moins de 17 ans bat son plein en Algérie. La commission des Compétitions des Jeunes de la CAF se réunit sous la présidence du Tunisien Slim Aloulou (seul membre non élu du Comité exécutif de la CAF). Elle examine des réserves déposées par l'équipe du Zimbabwe contestant la qualification du joueur nigérien Boubacar Talatou. Celui-ci a fourni un document d'identité où l'année indiquée de sa naissance est 1992. Or les documents présentés à la CAF, lors de l'instruction des réserves, indiquent que Talalou est né en ...1987. La fraude est établie et l'équipe du Niger est disqualifiée. Elle est remplacée en demi-finale par celle du Malawi. Cette sanction constitue une première pour un tournoi final de jeunes. Mais ce n'est pas la première fois qu'une affaire de tricherie entache un championnat d'Afrique des jeunes.
On se souvient qu'en janvier 2003, à l'occasion des préliminaires du Championnat d'Afrique des moins de 17 ans, le Kénya avait réussi l'exploit d'éliminer les Black Starlets du Ghana. Les officiels ghanéens ayant émis des réserves sur l'âge réel des joueurs kényans, le ministre kényan des Sports, Najib Balala, prononça après enquête, la dissolution de la sélection des moins de 17 ans dont deux des membres lui ont confessé qu'ils ont plus de vingt ans et ils ne seraient les seuls d'après Bob Munro, le président du club Mathare United (club récompensé en 2001 par La CAF pour sa politique de formation des jeunes!!!).
Le 31 mars 2003, l'instance dirigeante du football africain exclut pour deux ans, le Kenya de toutes les compétitions de jeunes et suspendit pour trois ans Hussein Swaleh, secrétaire général de la Fédération kényane pour falsification de documents.
Auparavant, le 6 février de la même année, à Lagos, le ministre des Sports nigérian déclarait : "Nous avons et depuis longtemps aligné dans les compétitions de jeunes, des joueurs dont l'âge réel dépassait celui-ci fixé par les règlements. Ces pratiques n'ont pas aidé notre football et nous devons les combattre." On se souvient que le Nigeria avait remporté le Championnat du monde de la FIFA pour les moins de 17 Ans en 1985 et 1993 et a été finaliste en 1987 et 2001. Et qu'il atteint la finale du Championnat du monde pour les moins de 20 ans en 1989 et 2007. On n'oublie pas aussi qu'en 1989, la FIFA avait suspendu le Nigeria pour deux ans de toutes les compétitions de jeunes suite à une tricherie sur l'âge des joueurs Siasia Samson, Uwe Andrew et Sadi Dahiru.
Commentant l'aveu de son ministre, Kashimawo Laloko, ancien directeur technique de la Nigeria Football Association (NFA), affirma que " les contre-performances des Super Eagles lors du Mondial 2002 s'expliquent par l'âge avancé des vedettes de la sélection qui ne correspond à leur âge "officiel". "Certains, ajouta-t-il, flirtent même avec la quarantaine!"
Toujours en 2003, le 28 mars, à Accra, le ministre ghanéen de la Jeunesse et des Sports, Edward Osei-Kwaku est interpellé au Parlement sur la médiocre performance (élimination dès le premier tour) des Black Satellites lors du Championnat d'Afrique pour les moins de 20 ans disputé au Burkina Faso. " La contre-performance, répondit-il, découle de la décision de la Ghana Fooitball Association (Gafa), de ne recourir, désormais, qu'aux services de joueurs dont l'êge réel correspond aux conditions d'éligibilité fixées par la CAF et la FIFA. Dorénavant, nous privilégions les valeurs du sport, à savoir l'honnêteté, le fair play et le respect des lois et des règlements." Il était temps! Et le ministre d'ajouter : " La Gafa avait pris l'habitude de sélectionner des jeunes dans les clubs des divisions inférieures puis d'assurer pendant cinq ans leur préparation. Malheureusement, ces derniers temps, suite au conflit opposant la Gafa au club Tudu Mighty Jets, il n' y a eu de compétition pour ces divisions. On a alors fait dans lacomplaisance et sélectionné beaucoup de joueurs peu talentueux qu'on a dû ensuite renvoyer." Trois jours après ces déclarations, la Gafa était récompensée par la CAF pour sa "politique de formation des jeunes(sic)
Rappelons que le Ghana a remporté en 1991 et 1995 le championnat du monde des moins de 17 ans dont il a été finaliste en 1993 et 1997. Il a été aussi finaliste du Championnat du monde pour les moins de 20 ans en 1993 et 2001.
Ainsi donc, par les voix de leurs ministres des Sports, les deux africains les plus titrés dans les compétitions mondiales reconnaissent qu'il y avait eu des pratiques de tricherie sur l'âge de leurs joueurs. Et il semble qu'ils ont fait école : de nombreux observateurs n'hésitent à mettre en doute l'âge "officiel" des jeunes Gambiens, champions d'Afrique des moins de 17 ans en 2005 et récemment le 2 avril 2009, à Alger.
Face à ce fléau, les instances dirigeantes bottent en touche : " Que voulez-vous faire, répondent-elles, lorsque les fédérations présentent des passeports officiels en règle?" Cet échappatoire tord le cou à l'éthique du sport. Et ceux qui ont le front de "moraliser" et de sanctionner lorsque la tricherie est confirmée par des faits probants, se bousculent pour distribuer des trophées aux vainqueurs de compétitions dont les acteurs conscients, ou à l'insu de leur propre gré, ont triché sur leur âge pour gagner.
N'y-a-il pas une hypocrisie à s'élever, avec une indignation affectée contre les falsifications d'âge tout en continuant à organiser des compétitions qui les répandent? On ne sanctionnant que les effets, ne préserve-t-on pas les causes? Si l'on veut éradiquer la tricherie, il n'y a pas moult solutions : ou bien on supprime les compétitions avec catégorie d'âge, ou, à défaut et dans le souci de les "réguler", on exige comme condition d'engagement dans les compétitions internationales, l'organisation pour chaque association nationale de compétitions régulières de jeunes. Comment, en effet, une association nationale qui n'organise sur son territoire ni des championnats pour les moins de 17 et de 20 ans, ni de compétitions scolaires, peut respecter les règlements édictés par la CAF et la FIFA?
Dans le cadre du programme GOAL, la FIFA est en train de fournir aux fédérations nationales une assistance informatique de haute gamme et ce dans le but de gérer les licences des joueurs. Une fois le système installé et les données enregistrées, il sera possible de suivre l'itinéraire de chaque licencié tout au long de sa carrière. Les falsifications d'âge seront plus facilement détectables par la FIFA. L'informatique permettra sans doute de limiter la tricherie mais il n'est pas certain qu'elle l'éliminera totalement.
Dans les années 1993-2001, du temps où Jean-Marc Guillou dirigeait et animait à Abidjan l'Académie Mimosifcom, était fixé au mur du réfectoire,à Sol Béni, cette formule : " On ment pas, on triche pas, on vole pas"! A méditer par tous les décideurs du football.

Faouzi Mahjoub

3 commentaires:

  1. Les tricheries sur l'âge sont-elles uniquement l'affaire des clubs subsahariens ? Les Nord-africains respectent-ils les règles ?

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  2. Pourquoi ne pas procéder à un test scientifique/médical pour déterminer l'âge des jeunes footballeurs? Le test anti-dopage existe, tous les sports y ont recours, la vérification des sexes pour les filles existe lors de grands tournois comme les JO, il faut alors inclure les tests sur l'âge des jeunes joueurs avant les grands tournois ou les éliminatoires.
    Merci Fouzi bonne route.

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  3. A l'occasion du dernier Championnat d'Afrique U17 en Algérie, le Dr Zerguini, embre des commissions médicales de la FIFA et de la CAF a procédé à une série de tests osseux par IRM. Les résultats sont éloquents : pour la majorité des compétiteurs, l'âge détecté ne correspond pas à l'âge officiel déclaré. La FIFA ne manquera d'en tenir compte pour les Championnats du monde 2009 (U20 en Egypte et U17 au Nigeria).

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