lundi 31 octobre 2011

Des après-midi de chien

Les finales de la Ligue des clubs champions d’Afrique disputées par l’Espérance sportive de Tunis (EST) sont-elles maudites ? On se souvient que le 12 décembre 1999, au stade d’El Menzah à Tunis, le match - EST- Raja de Casablanca avait donné lieu à de fâcheux débordements : grossières erreurs d’arbitrage aux dépens du Raja, expulsion mouvementée du capitaine marocain Jrindou, envahissement du terrain, échauffourée entre les réservistes et le service d’ordre, arbitre molesté, arrêt de la partie pendant vingt minutes…
A dix contre onze, les « Rajaouis » résistèrent aux assauts désordonnés et imprécis de leurs hôtes et gagnèrent le droit de disputer le concours de coups de pied arrêtés. La tentative manquée du capitaine tunisien Chokri El Ouaer donna la victoire finale au Raja. Un couronnement qui permit au club de Casablanca de disputer, au Brésil la 1ère édition de la Coupe du monde des clubs et d’empocher une bourse de 2, 5 millions de dollars. Aucune sanction ne sera prononcée contre les -mauvais- acteurs de la « finale de la honte ».
La finale-retour de l’édition 2000, disputée le 17 décembre à l’Accra stadium par les Hearts of Oak (Ghana) et l’EST n’eut, hélas rien à envier à celle de Tunis.
L’Espérance qui avait, le 2 décembre, concédé la défaite à domicile (1-2) aborda la rencontre avec détermination et engagement. Elle opta pour la voie de la concurrence physique et s’organisa pour bloquer les Ghanéens et les faire déjouer. Son plan de bataille réussit puisqu’elle prit l’avantage, dès la quinzième minute par Hassen Gabsi et sembla en mesure de glaner un second but synonyme de victoire finale.

El Ouaer se mutile
Las, après vingt minutes de jeu en seconde période, tout bascula dans l’Accra stadium. Des supporters mécontents des Hearts commencèrent à houspiller et à invectiver l’entraîneur Cecil Attuqayefio. Un début de bagarre éclata dans les gradins qui surplombent la tribune d’honneur. S’en suivit un mouvement de foule. Les policiers ghanéens affluèrent mais, au lieu d’intervenir pour faire évacuer les spectateurs excités, ils se regroupèrent à la main courante. Puis, brusquement, l’un d’eux jeta trois grenades lacrymogènes. Deux atterrirent parmi les supporters des Hearts et la troisième explosa en pleine tribune d’honneur. Ce fut la panique et le sauve qui peut. Officiels ghanéens dont le vice-président Ata Mills, dirigeants et membres de la CAF dont le président Issa Hayatou, diplomates, invités et leurs épouses, les yeux rougis et larmoyants se ruèrent, les uns vers le salon d’honneur, les autres vers la main courante. Certains s’évanouirent et d’autres furent piétinés. Les spectateurs des tribunes latérales tentèrent à leur tour un sortie vers le terrain, mais les grilles, hérissées de barbelés, étaient cadenassées. Par miracle, on ne déplora aucun blessé grave. Le policier auteur du tir est arrêté et menotté manu militari. Mais entre temps, l’arbitre sud-africain avait arrêté le match compte tenu de l’envahissement des abords de la pelouse.
La partie à peine stoppée, voilà que l’on aperçut le gardien tunisien Chokri El Ouaer courir de ses buts vers le centre du terrain avant de s’effondrer sur la ligne. Selon les nombreux accompagnateurs de l’EST, El Ouaer aurait été atteint au visage par un projectile lancé des tribunes. Une version démentie par les témoignages, dans un premier temps, de l’équipe britannique de télévision, ISL Productions, et du reporter-photographe de l’agence Reuters, le Sud -Africain Mark Gleeson (qui ont filmé l’incident) et dans un second temps par l’arbitre - assistant sud-africain Salie Achmat et surtout par le commissaire du match, le Nigérian Patrick Okpomo. Selon eux, El Ouaer a récupéré auprès d’un ramasseur de balle une boîte vide de boisson gazeuse et s’est servi de la languette d’ouverture comme lame de rasoir pour se taillader le visage avant de s’effondrer sur la pelouse !
Toujours fut-il que le « blessé » fut, après de longues minutes de palabres et de confusion, évacué sur une civière, le visage en sang. Sur le terrain, officiels et supporters de l’EST avec en première ligne, le président de la fédération tunisienne Khaled Sancho et …l’arbitre international Mourad Daami , flanqué de ses anciens collègues Rachid Ben Khédija et Mohamed Manceri s’agitèrent sans retenue et tentèrent de faire pression sur l’arbitre Robin Williams pour qu’il arrête définitivement la partie. Ce qui permettrait à l’EST de déposer des réserves et de réclamer de faire rejouer le match sur terrain neutre, voire même de l’emporter sur tapis vert.
Le referee ne céda pas. L’EST qui avait déjà procédé à trois changements de joueurs fut contrainte de placer dans ses buts le milieu Hassen Gabsi. La partie reprit après vingt minutes d’interruption, l’effet des gaz s’étant dissipé dans les tribunes.
A onze contre dix, puis contre neuf (suite à l’expulsion du défenseur Walid Azaiez qui donna un coup de tête à un Ghanéen), Hearts of Oak n’eut pas de mal à égaliser puis à faire la rupture : 3-1. Le trophée des champions est remis au capitaine ghanéen Stephen Tetteh dans une indicible pagaille, les Tunisiens ne se présentant pas pour récupérer leurs médailles.
La victoire finale rapportera 750 000 dollars aux Hearts qui participeront, en compagnie des Egyptiens de Zamalek, à la deuxième édition de la Coupe du monde des clubs (Espagne, juillet-août 2000) dotée d’une enveloppe de 8 millions de dollars.
Au vu des rapports des officiels du match, la CAF, par l’entremise de sa commission des compétitions de clubs, prendra des décisions et sûrement des sanctions dont la suspension de l’Accra stadium et la radiation probable du gardien Chokri El Ouaer qui serait alors contraint de mettre un terme à sa carrière. Mais quel nouveau coup dur pour le football africain que ce triste après-midi du 17 décembre !

Naufrage à Lubumbashi
Dix ans après, l’EST dispute sa troisième finale de Ligue des champions..
La finale aller, disputée le 31 octobre 2010 au stade de la Kenya, à Lubumbashi, a basculé à la 19è minute. Inscrit par le capitaine congolais Ngandu Kasongo, sur coup franc, le premier but est validé par l'arbitre togolais Djaoupé. Les joueurs tunisois protestent : le ballon n'aurait pas franchi la ligne. Palabres, bousculade. Et carton rouge pour Mohamed Ben Mansour. A dix contre onze, les Tunisois perdent pied et ils se désagrègent. Ils "ouvrent" des boulevards aux attaquants locaux. Kasongo double son acif (75è), le Zambien Given Singuluma réussit le doublé (55è et 59è) et Dioko Kaluyituka transforme un penalty à la 44è : 5-0!De retour à Tunis, les joueurs et les dirigeants de l'EST déversent leur colère. L’international Khaled Korbi déclare au quotidien Assabah que l'arbitre togolais Djaoupé Kokou " sentait l'alcool"! Son dirigeant, Riadh Bennour renchérit : " Tous nos joueurs ont dit que Djaoupé Kokou sentait l'alcool" tout en refusant - le brave homme - de parler de corruption et en blanchissant ses joueurs (Darragi, Ben Mansour et Hichri) qui n'auraient pas "agressé l'arbitre" mais avaient juste" protesté" auprès de lui. Energiquement?Questions : les joueurs tunisois disposaient-ils d'un alcootest sur le terrain? Les bons musulmans qu'ils sont, seraient-ils familiers avec les vapeurs de l'alcool? Somme toute, l'infortuné Djaoupé ne serait qu"un nègre soulard". La couleur et les odeurs : cela ne flaire-t-il le racisme primaire? Où est la commission d'Ethique de la CAF (dont le président est un certain...Amos Adamu)?Certes, nonobstant le niveau et la forme du Togolais Kokou Djapoué, comment pouvait-on le désigner pour une finale à gros enjeu sportif et financier alors que chez lui, il est depuis de longs mois réduit au chômage technique : les compétitions sont suspendues au Togo depuis la CAN 2010 et l'on attend l'élection d'une nouvelle fédération pour les faire redémarrer.Au lieu de s'en prendre à M. Djapoué, les dirigeants de l'Espérance auraient été plus inspirés de mettre en cause ceux qui l'ont envoyé au casse-pipe à Lubumbashi. Mais, c'est trop leur demander. Ah, la couleur et les odeurs, c'est plus commode....

Hayatou conspué
La finale -retour disputée le 13 novembre au stade de Radès donne lieu à quelques fâcheux dérapages. Jugez-en :

* Les supporteurs fanatisés de l'Espérance (EST), massés dans les tribunes du stade de Radès, vont sans ménagement, houspiller le président de la CAF, Issa Hayatou avant de l'insulter aux cris de "Hayatou corrompu!". Le haut-parleur du stade n'a pas cru devoir intervenir et appeler à la retenue. Ce fut pitoyable et honteux. Et pourtant, Hayatou et la CAF n'ont pas eu la main lourde vis-à-vis de l'Espérance : 65 000 dollars d'amende pour les incidents déclenchés par ses supporters incontrôlés au stade du Caire lors de la demi finale Ahly - EST et 15 000 USD de pénalité pour le comportement de l'équipe à Lubumbashi lors de la finale-aller TP Mazembe - EST (5-0). L'on sait pertinemment que les sanctions pécuniaires ne sont nullement dissuasives et qu'elles ne grèvent pas le budget des clubs riches.
* Les Sang et Or" s’acharnent à viser les tibias adverses mais ils vont vite "disjoncter" à l'image du défenseur Aymen Ben Amor qui, tout de suite après le but marqué par son coéquipier Harrison Aful, ne se gêne pour envoyer un crachat "Sang et Or" sur le visage d'un joueur congolais. Carton rouge mérité.
* Le téléspectateur lampda qui a suivi la finale-retour a été mené en bateau par les réalisateurs de la chaîne locale Canal 7. La retransmission de la finale EST-Mazembe ne soutient en rien la comparaison avec celle des matchs de la Champion's League d'Europe : nombre de caméras insuffisant, cadrages fantaisistes, rareté des gros plans...Mais surtout, escamotage de l'information. Ainsi, le réalisateur a-t-il choisi de gommer toute image défavorable à l'Espérance et d'insister sur les actions de ses joueurs : le but d'Aful fut repassé en boucle à satiété. Plus, le crachat de Ben Amor qui lui valut l'expulsion (23è) ne sera montré qu'au milieu de la seconde période! Quant aux incidents provoqués par des supporters en colère de l'EST (ils se sont défoulé sur les sièges des tribunes), ce fut le black out! Ajoutez-y que, sitôt le match terminé, la régie coupa la retransmission et les téléspectateurs n'ont pas eu droit à la cérémonie de remise de la Coupe!C'est beau le fair- play télévisuel!
* Titre d'une page sportive d'un quotidien tunisois : " Il se sera battu". Vous pensez qu'il s'agit du Ghanéen Harrison Aful, le meilleur joueur de l'EST même s'il méritait un carton rouge pour l'ensemble de son oeuvre. Vous n'y êtes pas. Vous épluchez la liste des joueurs de l'EST : le nom Hamdi Meddeb n'y apparaît pas. En fait, il s'agit du président du club, absent du terrain et du stade jusqu'au de sifflet final de l'arbitre sud-africain Daniel Bennet.
Face au Wydad de Casablanca, les 6 et 13 novembre, l'Espérance disputera sa quatrième finale. Respectera-t-elle le jeu et l'éthique?

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