mercredi 3 février 2010

Issa Hayatou, le lamido* du ballon

* L'attentat perpétré le 8 janvier contre le bus de l'équipe du Togo au Cabinda (3 morts) et la gestion calamiteuse de cette tragédie par la Confédération africaine de football (CAF) et par son président, le Camerounais Issa Hayatou et la suspension de l'équipe togolaise pour deux deux éditions de la Coupe d'Afrique des nations (CAN) assortie d'une amende de 50 000 dollars ont provoqué la colère et l'indignation de tous les sportifs en Afrique. Hayatou a commis une grossière faute politique, mais, droit dans ses bottes, il balaie d'un revers de main les critiques et affiche son mépris pour les médias. L'homme se croit investi d'une mission divine (sic) et règne sans partage. Il n'aime pas le foot, ne sait pas en parler et surtout il n'aime pas les footballeurs qu'il prétend pourtant servir. Portrait.

"L’année 2009 aura témoigné de la fragilité persistante et de la versatilité des dirigeants des associations nationales africaines. Sans exception, les gestionnaires du ballon accèdent au pouvoir, à l’issue d’élections en trompe-l’œil parce que tronquées ou manipulées par l’autorité de tutelle. Ils ne jouissent d’aucune autonomie réelle et leur longévité est tributaire des performances de la sélection nationale.
Le 9 février 2009, à Lagos, à l’issue d’une parodie d’élection, Issa Hayatou est réélu à l’unanimité, à la présidence de la Confédération africaine de football (CAF). Elu la première fois en 1988, le Camerounais bouclera, en 2013, six mandats. Il sera resté en poste un quart de siècle ! Un record absolu (en moyenne, la carrière d’un footballeur n’est que de dix ans).
Autant dire que la dérive monarchique était inévitable. Si sa majesté Hayatou VI ne porte pas de couronne en guise de couvre-chef, il ne veut voir qu’une tête, la sienne. Ses pairs du Comité exécutif de la CAF lui tiennent volontiers lieu de courtisans. Le lamido du ballon règne sans partage. Et, en dépit de ses affirmations, la servile obéissance constitue, depuis qu’il est au pouvoir, une meilleure assurance de longévité que la compétence. La CAF, c’est lui ! Et personne d’autre, ses fidèles sont là pour se plier à ses desiderata. En répétant qu’il choisit d’abord « les meilleurs », Hayatou montre surtout que ses choix vont surtout à des affidés, à ceux qui le servent, à ceux qui font tout pour lui complaire et ne le contredisent jamais. A ceux dont la courtisanerie est un métier (fort rentable du reste) à plein temps. Les plus illustres ont noms Amadou Diakité (Mali), Slim Aloulou (Tunisie), Almamy Kabelé Camara(Guinée), Anjorin Moucharaffou (Bénin) et Badara Sène (Sénégal). Le secrétaire général de la CAF, l’Egyptien Mustapha Fahmy (il a hérité en 1982 la charge de son père, Mourad) a, lui, mis son épée au service de son maître et, avec abnégation, il compense ses états d’âme par ses états de service.
La « politique du ventre », associée au népotisme et au clientélisme, est omniprésente dans le football africain. L’argent du ballon - il n’y en a eu jamais autant - qu’il provienne des fonds publics, du privé (mécénat ou commercialisation) ou des institutions continentale ou mondiale a horreur de la transparence. S’il est assez souvent utilisé à financer les participations aux compétitions et à assurer l’intendance, il alimente aussi la « politique du ventre ». Certes, les responsables des fédérations peuvent tous jurer qu’ils ne tirent aucun profit matériel du foot, mais ils auront, en revanche du mal à affirmer que les succès de leurs équipes nationales ou de leurs clubs, n'ont pas permis un essor remarquable de leur train de vie ou de leurs affaires privées. Tous savent que conquérir un poste au sein d’une fédération ou d’une instance internationale (CAF ou FIFA) permet d’accéder de fait à une confortable situation de rente. La carrière n’est plus synonyme de notoriété, elle rapporte. Bien et longtemps. Et cela, Issa Hayatou l’a bien compris : les caisses de la CAF sont pleines (grâce à une commercialisation débridée) et les diverses commissions de l’institution comptent 190 membres, c’est-à-dire autant d’obligés. La plupart d’entre eux seront invités en Angola. Aux frais de la princesse."

Faouzi Mahjoub, Afrique-Asie, janvier 2010

* Chef traditionnel et guide religieux en pays foulbé au Cameroun

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