mercredi 19 mai 2010

Welcome to South Africa 2010 (24) : clientélisme, népotisme, du déjà vu

Les convoitises suscitées par les marchés géants du Mondial 2010 en Afrique du Sud ont donné lieu à une seule grosse affaire de corruption connue mais les soupçons de clientélisme, fléau croissant dans le pays, abondent.
Les "méga -événements" présentent toujours le risque de "pots-de-vin, fraudes et extorsion", écrit l'Institut pour les études de sécurité (ISS) dans un livre intitulé "Joueurs et arbitre: conflits d'intérêt et Mondial-2010".
En Afrique du Sud, ce danger semble s'être concrétisé lors de la construction du stade de Nelspruit (est) pour un milliard de rands (100 millions d'euros).
Le président du conseil d'agglomération, Jimmy Mohlala, avait dénoncé des malversations lors de l'octroi du marché aux entreprises sud-africaine Basil Read et française Bouygues Travaux Publics. Un rapport indépendant a étayé ses propos et, en février 2009, les autorités provinciales limogeaient l'équipe municipale.
Un an plus tard, Jimmy Mohlala était abattu à son domicile par deux hommes armés et cagoulés. Une enquête de police a été ouverte.
Aussi gênant soit-il, ce dossier reste isolé. L'Afrique du Sud a dépensé près de deux milliards d'euros pour accueillir la grand messe sportive, mais peu d'enquêtes ont été ouvertes et elles concernent surtout des petits marchés, comme celui d'un stade d'entraînement à Mthatha.
"Les programmes d'infrastructures de la Coupe du monde ont été plutôt propres dans la majorité des cas", estime Anthony Butler, professeur de Sciences politiques à l'Université de Witwatersrand à Johannesburg.
Selon lui, la fête du ballon rond a plutôt illustré les problèmes de clientélisme qui, sans être illégaux, pourrissent le climat des affaires en Afrique du Sud.
"Il semble y avoir une croissance importante du népotisme autour des marchés publics. A tous les niveaux de gouvernement, les contrats semblent être déterminés par les relations politiques, personnelles, familiales. . . plutôt que par une compétition ouverte", dit-il .
C'est également la préoccupation de l'ISS, qui cite le stade de Durban (sud-est) d'un coût de 3,1 milliards de rands (environ 300 millions d’euros). "Bien qu'il n'y ait aucune preuve de corruption, la construction du nouveau stade a bénéficié de manière extrêmement concentrée à de grandes entreprises du BTP (. . . ) et à l'élite politique locale", selon l'Institut.
En Afrique du Sud, plus de 50. 000 fonctionnaires sont également dirigeants d'entreprises et en 2006, plus de 600 millions de rands de marchés publics (60 millions d’euros) leur sont revenus (ou à leurs époux), selon un rapport officiel.
Le Congrès national africain (ANC, au pouvoir) promet régulièrement de s'attaquer à ces tenderpreneurs, un terme justement inventé en Afrique du Sud pour désigner ces hommes d'affaires qui bâtissent des fortunes en emportant des appels d'offres grâce à leurs réseaux politiques.
A cause d'eux, le pays ne cesse de reculer dans l'index de Transparency international sur la corruption ressentie par les milieux d'affaires. L'Afrique du Sud, classée 34e sur 180 en 2000, est tombée au 55e rang en 2009.
Face à cette collusion, "de nombreux leaders de l'ANC sont horrifiés. Mais en même temps, un grand nombre d'entre eux sont eux-mêmes compromis", souligne Anthony Butler.
A commencer par le président Jacob Zuma. Depuis son arrivée au pouvoir il y a un an, il ne cesse de prôner la fermeté contre les hommes politiques véreux. Mais, quelques semaines avant son sacre électoral, il était encore inculpé pour corruption. La justice avait abandonné les poursuites in extremis pour vice de forme.
AFP, 19 mai 2010

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