samedi 20 novembre 2010

FIFA : nettoyage au karcher ou règlement de comptes?

Le 13 octobre, au Caire, inaugurant un séminaire de techniciens africains appelés à débattre des enseignements du Mondial 2010, sa majesté Hayatou VI déclarait : " Nous avons contribué à changer l'image de l'Afrique!" Et pourtant, elle ne se doutait pas que quatre jours plus tard, le Sunday Times allait lancer une bombe qui a atteint de plein fouet la CAF.
Hayatou se souviendra amèrement de l'année 2010. Celle-ci avait commencé avec la fusillade de Cabinda et la gestion pitoyable de l'affaire togolaise dont on vous épargne les péripéties. Elle s'est poursuivie avec le fiasco sportif africain au Mondial 2010 (un seul qualifié sur six pour le deuxième tour de la compétition) puis avec la bronca du stade du 7-novembre à Radès à l'occasion de la finale-retour de la Ligue des champions, Espérance sportive de Tunis - TP Mazembe (1-6). Elle vient d'être couronnée par la dislocation de sa garde rapprochée par la Commission d'Ethique de la Fifa.

Celle-ci a prononcé, le 18 novembre, la suspension de trois fidèles du président de la CAF:

* pour trois ans :

- Amos Adamu (Nigeria), membre des Comités exécutifs de la Fifa et de la CAF;

- Amadou Diakhité (Mali), membre du Comité exécutif de la CAF et membre des commissions des arbitres de la Fifa et de la CAF;

- pour deux ans :
Slim Aloulou (Tunisie), membre coopté au Comité exécutif de la CAF et président de la Chambre de Résolution des litiges et membre de la Commission du Statut du joueur de la Fifa.

Chacun des sanctionnés devra, en outre, acquitter une amende de 10 000 francs suisses. Tous les trois pourront faire appel de la sanction, voire saisir le Tribunal arbitral du sport (TAS).

Le verdict a été mal accepté par Hayatou dont les proches (il en reste) n'hésitent pas à hurler au complot dont l'instigateur serait Joseph Blatter, le président de la Fifa!
Piégés malgré eux?
S'il est établi que nos trois "éminents" dirigeants ont été piégés ( à l'insu de leur propre gré par les journalistes du Sunday Times ?), il n'empêche pas qu'ils ont accepté de rencontrer les membres du soi-disant lobby pro-Etats - Unis et qu'ils
se sont montré disposés à coopérer moyennant un "dédommagement" dont chacun a fixé le montant. Ils ont été jugés et condamnés parce que soupçonnés fortement d'être corruptibles. Leur naïveté ou leur insouciance leur auront coûté cher et leur suspension permet aux autres membres du Comité exécutif de la Fifa de se refaire, à bon compte, une virginité morale.

Amos Adamu traîne depuis des années des casseroles dans son pays. Il a conclu en 2006 une alliance avec Hayatou qui l'a aidé à se faire élire au CE de la CAF puis, en 2006, à celui de la Fifa. Et en 2007, il le poussa à évincer l'Ivoirien Jacques Anouma et à lui ravir la présidence de l'UFOA (Union des fédérations ouest-africaines). Entre autres contreparties, Adamu, en organisant en février 2009, l'assemblée générale de la CAF à Lagos, a grandement facilité la réélection de Hayatou à la tête de la CAF.
Le Nigérian espérait conquérir un deuxième mandat de quatre au CE de la Fifa (élections prévues le 23 février à Khartoum), il doit faire son deuil. Il perd tout et il est désormais interdit de toute activité liée au football (administrative, sportive ou autre) aux niveaux national et international.

Idem pour Amadou Diakhité, bras droit et poulain de Hayatou qui le préparait pour un poste au CE de la Fifa et en avait fait un dauphin potentiel. La carrière internationale du conseiller sportif et protégé du président malien ATT a pris un coup d'arrêt. Il lui sera difficile de rebondir et de retrouver du crédit d'autant que son maître - Hayatou - pourrait quitter le pouvoir en 2013.

"Si" Slim Aloulou, "l'éminent juriste que toute la planète nous envie" est tombé de haut. Lui qui se croyait plus malin que les autres, qui donnait des leçons à tous affichant une morgue haïssable, a foncé tel un plouc dans le piège de l'équipe du Sunday Times. Et se défendre comme un petit écolier : "je ne suis pas impliqué" et "j'ai refusé de faire de la délation". On attendait mieux et plus convaincant de la part du président de la Chambre de résolution des litiges de la Fifa.
"Si" Slim perd gros : outre sa charge de "magistrat" du sport, une confortable situation de rente à la Fifa (il avait à Fifa House à Zurich, des séances pratiquement hebdomadaires). Il ne pourra plus servir de "canne blanche" à Hayatou qui l'avait coopté au CE de la CAF en 2004. Bref, le "rouleur invétéré de mécaniques" tombe bas. Il lui faudra du souffle pour remonter la pente, mais il ne dormira pas pour autant sur une natte, il dispose d'un bon matelas....
Bhamjee balance

Adamu, Diakhité, "Si" Slim mais c'est aussi l'ex-compagnon de route du trio, le Botswanais Ismael Bhamjee qui est lourdement frappé par la Commission d'Ethique de la Fifa. On se souvient qu'en 2006, Bhamjee s'était fait piégé par des journalistes...anglais auxquels, il avait accepté de revendre des billets de la Coupe du monde. Cela lui valut un carton rouge : exclu du CE de la Fifa. Hayatou lui offrit un strapontin de membre d'honneur de la CAF. On le pensait inscrit aux abonnés absents mais le voilà qui réapparaît et accepte de rencontrer l'équipe du Sunday Times. Il ne se montre pas avare en confidences. Il affirme, entre autres, qu'en 2004, le Maroc, alors candidat à l'organisation du Mondial 2010, se serait grassement assuré les voix de trois membres africains du CE de la Fifa (qui pourraient être Issa Hayatou, Slim Aloulou et Amadou Diakhité). Il dit connaître un membre du CE qui aurait reçu un million de dollars du Maroc mais, qui, en fin de compte, avait voté pour l'Afrique du Sud!

Rappelons que le 15 mai 2004, à Zurich, juste après l'annonce par Blatter du choix de l'Afrique du Sud, Hayatou, Alloulou et Diakhité n'avaient eu la courtoisie d'aller féliciter Nelson Mandela et Thabo Mbeki. Ils avaient quitté précipitamment la salle sous prétexte de ne pas rater leur vol! Leur comportement avait intrigué. Et ajoutons qu'à l'époque, le Botswanais formait avec Diakhité et Aloulou la garde rapprochée de Hayatou.
D'avoir mis de la suspicion dans le choix de l'Afrique du Sud, Bhamjee a récolté la peine maximum : 4 ans de suspension. Mais depuis 2006, il est hors-jeu.
Le précédent Ganga

Ce n'est pas la première fois dans l'histoire des institutions sportives internationales que des dirigeants africains, soupçonnés de corruption, sont sanctionnés. En mars 1999, impliqués dans le scandale des Jeux d'hiver de Salt Lake City, quatre membres africains du CIO (Comité olympique international) à savoir Jean-Claude Ganga (Congo), Lamine Keita (Mali)Zein el Abdin Ahmed Abdel Guadir (Soudan) et Charles Mukora (Kenya) ont été exclus. Et deux autres, Bashir Attarabulsi (Libye) et David Sibandze (Swaziland) ont été contraints par feu Juan Antonio Samaranch, à la démission. Un sixième membre impliqué, le Camerounais René Essomba décéda, avant le verdict.
Alors, le sport africain serait-il pourri? Le nettoyage au karcher décidé par le président Blatter a-t-il pour but de donner bonne conscience à la Fifa avant le vote du 2 décembre qui décidera de l'attribution des éditions 2018 et 2022 de la Coupe du monde? Ou bien, a-t-il pour objectif masqué d'affaiblir Issa Hayatou? Mais d'ores et déjà, l'élimination d'Adamu et de Diakhité ouvre un boulevard à Jacques Anouma (Côte d'Ivoire) et Danny Jordaan (Afrique du Sud) pour le CE de la Fifa.

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