samedi 30 mai 2009

Yaya Touré, le phare de la Catalogne

Difficile de se faire un prénom lorsque votre frère n’est autre qu’Abib Kolo Touré, le pilier défensif d’Arsenal. Pourtant Yaya (il est né le 13 mai 1983 à Sokoura, Bouaké) y est parvenu. Lui aussi a fait, de 1996 à 2001, ses classes sous la houlette du maître ès-ballon Jean-Marc Guillou à Sol Béni, Abidjan. Il a fait partie de la promotion Armando, celle des Artur Boka, Salomon Kalou et autre Emmanuel Eboué. Il n’a pas porté le maillot jaune de l’ASEC mais a rejoint Guillou au KSK Beveren en juin 2001. En Belgique, il s’imposa rapidement comme un titulaire indiscutable et boucla 70 matchs en deux saison. En Belgique, il s’imposa rapidement comme un titulaire indiscutable et boucla 70 matchs en deux saisons et demi. Il disputa en janvier 2003, le championnat d’Afrique pour les juniors au Burkina Faso.

A cette époque, pour ses admirateurs, « Gnéri » n'est qu'un surdoué du ballon dont la postérité retiendra l’élégance, l’efficacité et …plus tard le palmarès. Pour les autres, il s’agit d’un footballeur aux qualités s’élevant, certes, au-dessus de la moyenne, mais qui ne cherche pas à repousser ses limites ne serait-ce que pour n’être pas trahi par elles. Yaya Touré, survole, du haut de ses cent quatre-vingt neuf centimètres et du trône que le football lui a confectionné, les orages de la légère polémique qu’il a suscitée.

« Yaya, ne cessa d’affirmer Kolo, est bien plus fort que moi ». Un avis que partagaient, outre Guillou, de nombreux techniciens qui « sont fous de Yaya ». Elégant et racé, utilisant à merveille un répertoire technique « appris et maîtrisé sur le bout des orteils à l’Académie », le cadet des Touré a l’étoffe d’un parfait régulateur et d’un stabilisateur. Il sera ce que le grand Toninho Cerezo a été au Brésil dans les années 80 et ce que fut Claude Makélélé au Real Madrid. Posté devant les défenseurs, il agit comme un libero du milieu de terrain, récupérant avec aisance le ballon, relançant en souplesse, proprement, offrant une solution de soutien à ses attaquants. Un vrai relayeur polyvalent qui ne fait pas les choses à demi.

L’été 2003, il est embauché pour 2, 1 millions d’euros par le Metallurg Donetsk. Il y est rejoint par un autre Académicien, Arsène Né. En Ukraine, l’adaptation au climat est difficile. Yaya ne dispute que 33 matchs en deux saisons. L’été 2005, il décide de prendre un nouvel envol. Olympiakos du Pirée devance Arsenal et le recrute pour 1,2 million d’euros pour le grand bonheur du coach norvégien, Trond Sollied qui le suivait depuis sa période belge. Le cadet des Touré s’impose avec aisance dans l’entrejeu grec et réalise des prestations extraordinaires en Ligue des champions face à l’Olympique de Lyon et au Real Madrid. Henri Michel qui a dirigé d’avril 2004 à juin 2006 les Eléphants, ne « découvrit » Yaya que tardivement. Il ne le sélectionna qu’en septembre 2005 et ne l’aligna à plein temps qu’à l’occasion de la CAN 2006 en Egypte.
Depuis, l’équipe ivoirienne ne peut plus se passer de son métronome. Reste à l’associer à d’autres hommes de milieu qui, balle au pied, parlent le même langage que lui. Le successeur de Michel, l’Allemand Ulrich Stielike ne s’y décida pas.

Yaya rejoint, en juillet 2006, et pour 4,5 millions d’euros, l’AS Monaco. A peine une saison sur le Rocher et le voilà qui est sollicité par le FC Barcelone. Il y est transféré pour 12 millions d’euros et signe un contrat jusqu’en juin 2010. Pour le « coach » Jean –Marc Guillou, le cadet des Touré sera aux côtés des Iniesta, Xavi, Thierry Henri, Messi et autre Samuel Eto’o, l’un des meilleurs joueurs d’…Europe. Sinon le meilleur. Et "Gnéri" l’a prouvé en décrochant, en 2009, avec les Blugrana, le championnat d’Espagne et la Coupe du Roi, plus la Ligue des champions d’Europe. Il est le premier Ivoirien à se hisser au sommet européen et possède désormais un palmarès que seul peut contester son coéquipier Samuel Eto’o. Il est l'incontestable e numéro un de Côte d’Ivoire et d’Afrique, n’en déplaise aux fanatiques de la Drogbamania.

vendredi 29 mai 2009

Mustapha Zitouni, un footballeur de la Révolution

« L’absence de Zitouni, écrivait le 21 avril 1958, François Thébaud dans l’hedomadaire Miroir Sprint, qui s’était imposé ces derniers mois comme le meilleur demi - centre opérant en France, constitue une perte incontestable. » La Classe. Et l’admiration des connaisseurs.
Né à Alger le 19 octobre 1928, Mustapha Zitouni débuta à l’Olympique Saint -Eugène avant de partir pour l’A.S. Cannes où vint le recruter l’A.S. Monaco. Ce fut sous les couleurs monégasques qu’il perça et connut la notoriété. Grand et athlétique, c’était la tour de défense sur laquelle venaient se briser les offensives adverses. Le 6 octobre 1957, il succéda au Rémois Robert Jonquet dans l’équipe de France, face à la Hongrie, à Budapest (0-2). Il fut inclus dans les formations tricolores qui affrontèrent la Belgique (0-0) et l’Angleterre (4-0). Le 13 mars 1958, au Parc des Princes, il se mesura aux prestigieux attaquants espagnols Alfredo Di Stefano, Laszlo Kubala et Luis Suarez (2-2). Donjon imprenable, il convainquit le public parisien et les sélectionneurs : il était assuré de partir en Suède.

Le samedi 13 avril, il prit toutefois une direction opposée, celle de Tunis où il rejoignit les rangs de l’Algérie combattante. Il devint vite la grande figure de l’équipe du FLN (Front de Libération nationale) qui, de 1958 à 1962, conquit sportivement l’Afrique du Nord, le Moyen-Orient, l’Europe de l’Est et l’Asie du Sud-Est.
Après l’indépendance de son pays, il rentra à Alger et occupa le poste d’entraîneur – joueur au R.C. Kouba. Le 2 janvier 1964, au stade d’El Anasser, l’Algérie rencontra et battit la République fédérale d’Allemagne (2-0). Après le match, Sepp Herberger, l’entraîneur allemand, vint lui demander son …passeport afin de s’assurer qu’il avait bien 35 ans tant il avait été le meilleur des 22 joueurs sur le terrain ! Oui… à 35 ans, Zitouni avait tenu tête aux redoutables attaquants germaniques Konietzka, Kramer, Libuda et autres Wilden en interceptant tous les services qui leur étaient destinés et en manoeuvrant avec intelligence.

Après sa retraite, Zitouni retourna s’installer sur la Côte d’Azur, à Nice où il dirigea l’agence d’Air Algérie. Il répondit, à chaque fois, présent aux sollicitations de ses anciens compagnons du FLN. Le 14 avril 1988, à Alger, il porta le brassard de capitaine, à l’occasion d’un tournoi maghrébin qui marqua le 30è anniversaire de l’équipe du FLN.

Ce fut ses adieux au public algérien. Ces dernières années, la maladie d’Alzeimer ne l’a pas épargné.
La fondation de l’équipe du FLN ne l’a pas oublié. Le 25 mai 2009, à Alger, elle a organisé, en présence des membres de sa famille, un jubilé dont le seul moment d’émotion fut à l'actif des jeunes Académiciens du Paradou. Des artistes en herbe qui font vivre avec amour le « cuir » et sur lesquels veille …Jean-Marc Guillou, le « père » des Académiciens ivoiriens.

Faouzi Mahjoub

samedi 23 mai 2009

Copa, roi du plat pays

Les pseudo-connaisseurs pullulent dans la planète foot et en particulier en Afrique. Ils connaissent très mal le football sur le mode pratique et quand ils en parlent, ils le font à tort et à travers. Ainsi, n'ont-ils pas hésité à attribuer le fiasco des Eléphants de Côte d'Ivoire à la CAN 2008 à la "faiblesse de son gardien de but Coppa". Lequel, depuis février 1999 et sa première sortie internationale dans la cage de l'ASEC mimosas face à l'Espérance sportive de Tunis, a rarement tapé dans l'oeil des "connaisseurs".
Lors du Mondial 2006, l'entraîneur Henri Michel lui préféra le vétéran Gbizié. Et celui-ci passa à travers les matchs contre l'Argentine et la Hollande. Copa fut titularisé face à la Serbie. Depuis, il n'a de concurrent à son poste en Côte d'Ivoire. Et il faut croire qu'il n'est pas si mauvais que cela puisqu'il est professionnel au KSK Lokeren, Belgique (32 matchs sur 34 disputés au cours de la saison 2008-2009). Plus, Boubacar Barry "Copa" a été élu, le 17 mai, lors du Gala du Footballeur pro à Lint, meilleur gardien de Belgique avec 510 points contre 305 pour Mark Volders (FC Mouscron) et 293 pour Silvio Proto (Germinal Beerschot).
Copa a été élu par les joueurs de la division I et par les expatriés belges. Il est aussi le 2è meilleur joueur africain du championnat de Belgique. Des distinctions de nature à clore le bec de tous les sceptiques et de tous les faux spécialistes du ballon.

jeudi 21 mai 2009

Ballon carré d'Ivoire

Jeudi 7 février 2008, le stade Baba Yara de Kumasi accueille la demi-finale de la 26è Coupe d'Afrique des nations, Egypte -Côte d'Ivoire. Les champions d'Afrique en titre domptent facilement les Eléphants : 4 à 1!
Deux jours plus tard, toujours à Kumasi, en match de classement, le Black Star du Ghana enfonce les Ivoiriens : 4-1. Huit buts encaissés en deux matchs, Didier Drogba et ses coéquipiers quittent la CAN 2008 la tête basse. Leur cinglant échec s'ajoute à leur faillite en finale de la CAN 2006, face, une fois de plus, à l'Egypte. Commentaire de Jacques Anouma, le président de la Fédération ivoiriene de football (FIF) : " Il faut repartir à zéro, continuer à construire notre football. Je ne suis pas découragé. Je n'ai pas le fétichisme des trophées."

Janvier 2009, les Eléphanteaux disputent au Rwanda, le Championnat d'Afrique des moins de 20 ans. Eliminés après trois matchs : un seul but inscrit et six encaissés.

Février 2009, la Côte d'Ivoire accueille le 1er Championnat d'Afrique des nations (CHAN) - un tournoi réservé aux joueurs non expatriés -. L'équipe représentative du pays, bien qu'évoluant à domicile, est éliminée dès le premier tour : zéro victoire et zéro but marqué en 3 matchs! Jacques Anouma présente "ses excuses au peuple ivoirien" et déclare : " J'assume l'échec!" Il ne démissionne pas pour autant de son poste. Il en est de même de l'entraîneur Georges Kouadio.

Mai 2009, les deux derniers clubs ivoiriens engagés dans les compétitions africaines disparaissent de la Ligue des champions (ASEC Abidjan) et de la Coupe de la Confédération (Jeunesse Club d'Abidjan). Ils rejoignent dans la trappe l'Africa Sports d'Abidjan et la SOA, éliminées dès les seizièmes de finale. Cela fera bientôt onze ans qu'aucun club ivoirien n'a remporté de titre continental.

Question : qu'on fait les dirigeants du football ivoirien depuis 1999? On se souvient que, le 9 février 1999, les Académiciens de l'ASEC Mimosas remportaient la Supercoupe d'Afrique après avoir donné une leçon de foot à l'Espérance sportive de Tunis (3-1). Rappelons que tous les jeunes héros de 1999 ont été formés à Sol Béni par ...Jean-Marc Guillou. Ils fournissent aujourd'hui 95% de l'effectif de la sélection de Côte d'Ivoire. Tous évoluent dans des clubs européens et certains font partie du gotha mondial (Kolo et Yaya Touré, Kalouninho...).

Depuis plusieurs années, Guillou est persona non grata en Côte d'Ivoire et son nom est officiellement tabou. Ni la FIF, ni son président n'ont exprimé, même à demi-mot, une quelconque reconnaissance à l'égard du technicien français -qui n'a rien coûté à la FIF-. Ils oublient que si la Côte d'Ivoire dispose depuis 2005 d'une équipe nationale de haut niveau (même si c'est l'arbre qui cache la forêt), elle le doit au travail et au dévouement de Guillou. Seulement, voilà, ils ne veulent déplaire à l'inamovible président de l'ASEC, M° Roger Ouégnin.

" Le club de M°Roger Ouégnin, écrit Le Nouveau Réveil d'Abidjan, ne fait plus recette. Et pourtant, plus qu'hier, l'ASEC s'est doté d'un centre de formation des mieux équipes de la sous-région. C'est le club ivoirien qui possède le plus de partenaires commerciaux. En dépit de tous ces atouts, le club Jaune et Noir piétine (depuis dix ans) et ses résultats sont de moins en moins reluisants." Après le départ de Guillou, M° Ouégnin avait engagé le Français Pascal Théaut pour diriger le centre de formation de l'ASEC. L'expérience s'acheva au bout de quatre ans sans résultat convaincant. Le Suisse allemand Walter Ammann a été chargé, depuis quelques mois de prendre la relève. Il a tout se suite annoncé la couleur en se démarquant de la philosophie et des méthodes de Guillou alors que celui-ci lui avait, dans les années 1998-99, largement ouvert les portes de l'Académie mimosifcom à Sol Béni.

Mais le déclin de l'ASEC n'occulte pas l'absence d'un véritable projet sportif en Côte d'Ivoire.
Les Eléphants entretiennent la flamme et leurs exploits passionnent les foules (même si leur fait défaut une consécration internationale) mais la génération des Kolo, Gnéri, Zokora, Aruna et autres Baky n'est pas éternelle. Elle est en mesure d'obtenir une qualification pour la Coupe du monde et la CAN 2010. Quand elle ne sera plus là, le reveil risque d'être douloureux. A bon entendeur, salut!

jeudi 14 mai 2009

Norbert Eschmann, fin de match

Grande figure du football suisse et du journalisme international , ancien collaborateur de Miroir du football, compagnon de route de feu François Thébaud, fondateur avec feu Eugène Njo Léa du syndicat des footballeurs professionnels françiais (UNFP), ami de l'Afrique, celui qui conjuguait de multiples talents (orfèvre, footballeur, entraîneur, homme de prese) est décédé hier, mercredi 13 mai dans une clinique de Lausanne à la suite d'une longue maladie. Il avait 76 ans.
" Un géant qui est parti. Pas un géant de Hollywood – encore que son noble visage d’Indien aurait pu lui valoir là-bas de grands rôles –, mais un géant d’ici, dont le rayonnement a largement dépassé les frontières de ce pays. Les anciens, les gens qui étaient des spectateurs dans les stades des années 50 et 60, savent quel footballeur Norbert a été au Lausanne-Sport, au Stade Français, à l’Olympique de Marseille, à Servette et en équipe nationale. En un temps où les joueurs suisses appelés par les clubs étrangers étaient rares, Norbert et son ami, son complice, son petit frère Philippe Pottier étaient devenus des étoiles. Des étoiles suisses dans le ciel de Paris, des étoiles offrant, par leur savoir si fertile, ce bonheur universel propre au football lorsqu’il est un jeu animé par des artistes certes talentueux, mais qui ont la passion de leur métier.
La précision de l’orfèvre. Les plus jeunes, ceux qui n’ont pas vu jouer Norbert Eschmann, doivent savoir aujourd’hui qu’il fut un footballeur pétri de technique fine et d’exigence sans cesse active, un joueur qui voulait et savait placer dans chaque passe qu’il effectuait en direction de quelqu’un d’autre, sur le terrain, toute la précision et l’imagination de l’orfèvre qu’il avait été dans son premier métier. Car, pour Norbert, une passe réussie était un geste de respect envers l’autre, oui, une simple passe avec un simple ballon était pour lui quelque chose qu’il voulait aussi juste que les vers d’un poème, ou que le mot qui change une phrase et lui donne tout son sens. Car le football, pour lui, était en fait l’empreinte de la vie.
Les phrases, justement, parlons-en! Norbert a travaillé avec ses mains (orfèvre donc), puis avec ses pieds (footballeur). Une fois sa carrière de joueur professionnel terminée, il allait montrer qu’il pouvait aussi – et comment! – la gagner avec son esprit, avec sa tête. Il devint journaliste, à 24 heures, puis, rapidement, chef de la rubrique sportive et, à ses côtés, quelques journalistes vécurent des années de vrai bonheur créatif. Dans ses écrits, toujours, une petite musique bien à lui. L’image, l’idée, la même vie qu’il donnait au ballon, il la donnait aux mots. Et si, sur le terrain, une passe ou un dribble faisait avancer vers le but, l’image, l’idée, le mot éclairaient, pour les lecteurs, ce que Norbert avait vu pour eux sur les terrains de football, dans les salles de boxe, du monde entier.
Sur ces terrains, dans ces salles, il humait la sueur, le poids des coups, la grâce des gestes, et derrière la sueur, les coups, la grâce, il humait les vies qui avaient mené sur ces stades et sur ces rings les hommes qui tentaient d’y grandir, mais si souvent d’y vivre et d’y survivre. Il le savait bien. Et il le contait si bien, comme il contait parfois avec un humour phénoménal chaque battement de cœur de sa vie.
Jouer, toujours jouerIl aurait pu en rester là. Goûter une vie sereine de journaliste renommé, estimé, influent, une vie d’ancien grand joueur – «les Seigneurs de la nuit», à la grande époque de la Pontaise –, salué dans la rue, mais non. La passion du ballon, donc du jeu, donc de la vie, était en lui. Norbert, jamais, n’a cessé de jouer. Avec des amis aux caractères bien costauds, des amis habités par le goût du beau football, du football qui ressemble à quelque chose, du football que l’on construit pour être plus heureux, Norbert Eschmann avait bâti le Lausanne Université Club. Il est sans doute, soit dit en passant, le seul joueur à avoir évolué dans toutes les ligues de ce pays, de la 5e à l’équipe nationale! Et quand il arrêta de jouer dans les petites ligues, dans la vraie compétition, il inventa avec les mêmes amis un peu plus gris, un peu plus lents, mais toujours tellement amis, d’innombrables petits matches auxquels il participait encore il y a quelques semaines, entre les chimios et les traitements qu’il dribbla longtemps avant d’enfin se reposer pour toujours.
Dans ces petits rendez-vous entre potes, la même volonté de jouer juste, de construire, de respecter le collectif, de conseiller, de faire progresser les autres, mais aussi la même volonté de gagner, comme si à chaque début de match une nouvelle vie recommençait. Et avec cela, cette merveilleuse mauvaise foi historique, incomparable, qui nous manque déjà, à nous ses amis petits footballeurs de rien du tout qui restons là, les jambes flageolantes, sans lui pour mettre un terme au petit match juste au moment où nous allions marquer, contre son équipe, le but égalisateur.
Norbert voulait jouer, gagner. Il n’a pas perdu en mourant hier, paisiblement. Quelle belle vie a eue, Norbert, une vie tissée de talents, d’amitiés, de succès, de passion. Savez-vous, jeunes gens, que, un jour en Angleterre, avec Lausanne-Sport, en Coupe d’Europe, Norbert tenta une bicyclette, marqua le but, splendide, mais s’assomma en retombant. Le stade tout entier, 30 000 personnes, resta debout à l’applaudir jusqu’à son réveil, deux minutes plus tard. Norbert ne se réveillera pas, mais les applaudissements viennent de
reprendre.'" (Philippe DUBATH, 24 heures, Lausanne)


"C'était un homme de débats, d'idées. Que d'arguments, que de bon sens! Et dans les débats, dans la vie et sur le terrain, Norbert était un homme de talent et de fair-play. Il va me manquer", a déclaré le président de la FIFA, Sepp Blatter.

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mercredi 13 mai 2009

Le match Rock-Gnofame

Le fantasque président de la Fédération togolaise de football (FTF), Rock Balakyèm Gnassingbé (de retour au pouvoir après une année de purgatoire) n'a pas changé de méthode : il gère la FTF comme sa propre entreprise, décide de tout et ne rend aucun compte aux autres membres du bureau fédéral. Et ce au grand dam de son vice-président Mawulawoe Ameyi Komla Kuma. M. Ameyi avait été, en 2007, occupé le même poste. Il n'avait eu cesse de comploter contre le président élu de l'époque, Tata de Mass Avlessi et avait participé à moult tentatives de déstabilisation. Ses manoeuvres de blocage avaient fini par provoquer l'intervention de la FIFA qui décida de l'organisation de nouvelles élections. Ameyi rallia le camp de ...Rock Gnassingbé qui fut réélu le 18 janvier dernier dans les conditions que l'on sait (voir sur le blog le message Histoire d'Epervier). Aujourd'hui, Ameyi marginalisé boit le calice jusqu'à la lie. Il a tout loisir de méditer sur la gratitude humaine.
Rock, patron de la FTF, n'entend pas en resterlà. Le voilà qui se lance dans la bataille du Comité national olympique togolais (CNOT). Cette instance s'apprête à organiser fin mai une assemblée générale élective. Le président sortant, le général Zoumaro Gnofame est candidat à sa propre succession et fait alliance avec Tata Avlessi qui vise la 1ère vice-présidence. Mais Rock de lancer contre Gnofame, son propre poulain, Auguste Dogbo, président de la Fédération togolaise de handball.
Aux lendemains du Mondial 2006, une guéguerre avait opposé Rock et Gnofame. Le colonel Gnassingbé s'en était alors pris à son aîné de général qui avait "relevé les tares dont avait fait preuve le président de la FTF dans sa gestion de la campagne du Mondial en Allemagne". Rock ne vit que du rouge et accusa Gnofame de le déstabiliser pour lui faire perdre la présidence de la FTF. " Nourrissant, écrit Liberté Hebdo du 16 août 2006, une haine viscérale contre son supérieur hiérarchique, Rock proférait régulièrement des menaces et intimidations à son encontre". Le président du CNOT renforça sa garde rapprochée et porta l'affaire devant les officiers supérieurs des Forces Armées togolaises (FAT). Une confrontation eut lieu à la Présidence. Elle donna lieu à un face-à-face houleux entre Rock et Gnafame. Une seconde se tint , cette fois-ci, entre les officiers de la Préfecture de Bassr et le général Gnofame. Le président du CNOT nia toute velléité de déstabilisation et réaffirma sa fidélité aux Gnassingbé. L'affaire en resta là. Le 9 janvier 2007, Rock était évincé de la présidence de la FTF au profit de...Tata Avlessi.
Il a, le 18 janvier, récupéré son poste. Son frère de Président du Togo, Faure Gnassingbé, le laissera-t-il pousser Gnofame à la sortie?

jeudi 7 mai 2009

Les voyous du stade : Drogba comme Zidane (1)

"Personne ne sait quelle a été la dernière action de Pelé sur le terrain. Ou celle de Beckenbauer ou de Maradona. Mais la dernière action du footballeur Zidane, tout le monde s'en souvient" affirmait le célèbre écrivain berlinois Thomas Brussig, quelques semaines après la Coupe du monde 2006. Il faisait allusion au "célèbre" coup de tête que Zidane avait, lors de la finale France - Italie, asséné au défenseur azzuri Marco Materazzi qui l'aurait insulté.
On pourrait parodier Thomas Brussig et affirmer, après la demi-finale de la Ligue des champions d'Europe, Chelsea - FC Barcelone, disputée le 6 mai à Stamford Bridge, à Londres que : " La dernière action du footballeur Drogba, tout le monde s'en souvient!"
En effet, sous le regard de centaines de millions de téléspectateurs, l'attaquant de Chelsea - sorti par son entraîneur à la 72è minute du match - s'est, au coup de sifflet final, élancé du banc de touche et a foncé vers l'arbitre norvégien Tom Henning Ovrebo. Gesticulant comme un fou, il a déversé - en direct devant les caméras de la chaîne Sky - un torrent d'insultes sur l'homme en noir : "C'est une putain de honte! C'est une putain de honte!" Il récolta un carton jaune . N'était-ce l'intervention musclé des stewards, M. Ovrebo aurait été molesté de coups. Repoussé une première fois, Drogba est revenu à la charge et il a fallu que le coach de Chelsea, Guus Hiddink se décide à retenir l'Ivoirien pour que les insultes ne se transforment en agression physique.
Comme tout maître-entraîneur ulcéré par l'échec de sa stratégie (Chelsea qui mena par 1-0, fut rejoint durant le temps additionnel par Barcelone 1-1 et éliminé), le sieur Hiddink (il avait concocté au match -aller une tactique ultra-défensive repoussoir) ne s'est pas privé de jouer les tartuffe : "Je comprends Didier, sa réaction est humaine!" Pan sur le bec.
On aurait cru entendre les pères fouettards au moralisme obtu qui avaient absous, en juillet 2006, Zidane dont ils avaient compris - tiens, tiens - la "réaction humaine"!
Rappelons-le pour ceux qui l'auraient oublié que Didier Drogba avait eté expulsé lors de la finale 2008 de la Ligue des champions , Manchester -Chelsea comme il l'avait été, en huitième de finale de la même compétition, face à ...Barcelone en 2005!
Les amoureux du foot et du sport auraient espéré qu'à la fin du match, Didier Drogba se levât pour aller féliciter son compatriote et coéquipier chez les Eléphants , Yaya Touré Gnéri et ses n 'frères" africains, le Malien Seydou Keita et le Camerounais Samuel Eto'o, tous trois vainqueurs avec Barcelone. Mais, Monsieur Drogba a choisi de s'en prendre à l'homme en noir comme un vulgaire mauvais perdant. Sans aucune circonstance atténuante. Pour la vedette multimillionnaire, quelle démonstration "pédagogique" à l'intention de tous ses jeunes admirateurs en Afrique et dans le monde!
La "voyoucratie des pelouses" a récupéré, après Zidane, un autre membre de top-niveau. Vive la Drogbamania!


vendredi 1 mai 2009

Histoire d'Epervier...

Jeudi 23 avril, le site de la FIFA affiche une image pour le moins insolite : Rock Balakiyem Gnassingbé, le président de la Fédération togolaise de football (FTF) tout hilare posant aux côtés de Joseph S. Blatter et Jérôme Valcke, respectivement président et secrétaire général de l'instance faîtière du football. Le colonel Rock visitait le siège de la FIFA à Zurich. Et il voulait remercier ses hôtes pour leur " action dans la résolution de la crise du football togolais".

L'image incongrue a dû choquer plus d'un sportif togolais et surtout tous ceux qui n'ont pas la mémoire courte. Tous ceux qui se souviennent de la campagne de l'équipe du Togo au Mondial 2006 et des frasques de Rock Gnassingbé en Allemagne. Frasques qui avaient, à l'époque, suscité l'ire des décideurs de la FIFA. " Et si c'était lui, écrivait Stéphane Regy, dans le quotidien parisien Libération , daté du 19 juin 2006, la vraie star de ce premier tour de Coupe du monde? Rock Gnassingbé, président omnipotent de la FTF, est à la base d'un des plus gros bordels jamais vus dans un tournoi de cette envergure : la démission d'un coach avant même le premier match de son équipe, puis sa réintégration, et enfin sa démolition en règle devant la presse. Petit rappel des faits : qualifiés cette année pour leur premier Mondial, les Eperviers togolais souhaitent négocier leurs primes, mais Gnassingbé refuse de transiger et leur fait une offre ridicule. Solidaire de son équipe, le coach allemand, Otto Pfister, démissionne avant le premier match, en signe de protestation. (...), Rock lâcha les chevaux, traitant publiquement Pfister d'"incompétent" et... "d'alcoolique"!"

" Alors, un fou, ce Gnassingbé? Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'il ne fait pas l'unanimité chez lui. " Tout le monde veut sa tête, au Togo. Les Eperviers sont à la Coupe du monde, d'accord, mais ce sont les joueurs qui ont réalisé l'exploit, pas lui. En revanche, le fiasco actuel est sa responsabilité" explique Evelyn Gbenyedji, rédactrice en chef de La Gazelle , magazine sportif local. Rock est intouchable? Particulièrement bien né, il en effet rien de moins que le frère du président actuel du pays, Faure Gnassingbé, et, surtout, le fils de l'illustre Eyadéma, ex-président-dictateur, mort en 2005 après un long règne de trente-huit ans. C'est d'ailleurs papa Eyadéma qui lui avait donné son poste de président de Fédération de football en 1999. Le problème, c'est que l'intéressé l'occupe n'importe comment. " Rock gère la fédération comme son entreprise, le trésorier ne voit pas la couleur des chèques", se désole l'ancien ministre des Sports, Horatio Freitas."

" Rock Gnassingbé n'est donc pas doué pour occuper sa fonction, ça ne fait guère de doute. Il n'aime que le foot, le reste, il s'en fout. La politique, il s'en cogne. L'économie, pareil. Militaire de formation, colonel de grade, Rock n'aime pas en réalité la compagnie des humains, à qui il préfère les animaux. A Lomé, on raconte ainsi qu'il passe beaucoup de temps dans les élevages de rats et de lapins qu'il a fait éifier à la campagne. "C'est une personne bizarre, confirme Evelyn Gbenyedji. Il est instable." Caricature du dirigeant à l'africaine comme on ne pensait plus pouvoir en croiser, type un peu largué..."

En Allemagne, la "guerre des primes" ne fut pas étrangère au fiasco sportif des Eperviers. Le 16 juillet 2006, quatre membres de la FTF démissionnaient et dénonçaient "l'improvisation, l'impréparation et l'amateurisme" au sein de cette instance. La FIFA réagit. Elle dépêcha une mission d'inspection composée de MM. Jan Peters et Slim Aloulou avant d'ordonner l'organisation d'élections statutaires.

Lomé, 9 janvier 2007, l'homme d'affaires Tata Adaglo Avlissi bat nettement le colonel Rock (24 voix contre 8) et accède à la présidence de la FTF. Pour l'observateur de la FIFA, Jan Peters : " le vote fut d'une transparence complète et totale".
Mais sitôt installé, Tata Avlessi se heurte à l'hostilité du vice-président Mawulawoe Ameyi Komla Kuma, du secrétaire général, Espoir Komlan Assogbi et du trésorier Tino Adjete ainsi qu'à celle du lobby militaro-sportif proche de la famille Eyadema. Deux mois après son élection, Tata Avlessi est accusé, sans preuve, par la CAF d'avoir soudoyé un arbitre lors du championnat d'Afrique des moins de 17 ans. Il est suspendu puis radié à vie. Il saisit le Tribunal arbitral du sport (TAS) qui, le 11 mars 2008, le blanchit, le réhabilite et annule toutes les sanctions de la CAF.
La FIFA rétablit Tata Avlessi dans ses droits. Mais le clan Ameyi-Assogbavi-Adjete et les gradés du ballon ne désarment pas. Ils multiplient les manoeuves de blocage, téléguident une fronde des Eperviers contre le président élu de la FTF. Celle-ci devient ingouvernable. La FIFA est contrainte d'intervenir et le 21 octobre, à Zurich, elle reçoit Tata Avlessi et une délégation officielle togolaise. La décision est prise d'organiser le 18 janvier de nouvelles élections.

Le 18 janvier à Lomé, on reprend les mêmes et on recommence. Le nouvel processus électoral établi par la FIFA aborde son ultime étape : l'élection du nouveau président de la FTF. Un scrutin que supervisent les incontournables Jan Peters et Slim Aloulou. Trois listes conduites respectivement par Tata Avlissi, Winny Dogbatsé et...Rock Gnassingbé sont en piste et se soumettent au choix des 51 membres du corps électoral .
La candidature de Rock Gnassingbé - déposée hors délai, selon les médias de Lomé - a choqué tous les sportifs togolais. Beaucoup se souviennent de sa gestion calamiteuse des campagnes de la CAN et de la Coupe du monde 2006 : renvoi abusif de l'entraîneur Stephen Keshi, fronde des joueurs en Allemagne pour cause de guerre des primes, absence de transparence dans l'utilisation des fonds versés par la FIFA. On sait que les trois matchs disputés par les Eperviers au Mondial ont rapporté à la FTF la bagatelle de 2, 59 milliards FCFA. La FIFA chargea cle cabinet KPMG d'effectuer un audit des comptes de la FTF pendant le "règne" de Rock Gnassingbé. Elle n'aura accès à un aucun document comptable. Les résultats de l'audit sont inconnus à ce jour.
Patron des forces blindés togolaises et directeur -adjoint du port autonome de Lomé, Rock avait, dès janvier 2007 tourné le dos au football. Il entreprit, en décembre 2008, un retour en force avec le feu vert de son frère Faure, le soutien du président... gabonais Omar Bongo, du président de la CAF, Issa Hayatou et de certains membres du Comité exécutif de ...la FIFA.
Le pouvoir politique togolais par l'intermédiaire du ministre de l'Administration territoriale et des Collectivités locales, Pascal Bodjana organise la campagne de Rock et lui fournit la logistique de rigueur.
La veille du scrutin, les électeurs dont beaucoup sont des fonctionnaires de l'Etat sont regroupés dans un hôtel de Lomé et pratiquement "sequestrés". Ils sont soumis à forte pression. " Qui a a cru, peut-on lire le 30 janvier, sur le site togolais Le Rendez-vous, que Rock B. Gnassingbé reviendrait à la FTF après un triste séjour de 8 ans. (...) Il aura suffi d'entendre parler de 5 millions FCFA pour que les électeurs au dernier congrès de la FTF baissent l'échine. Toute honte bue, ils auraient vendu à crédit leur conscience à 5 millions FCFA. Mais l'acheteur n'a payé que 1, 3 million FCFA. Le reste est relégué aux calendes grecques. (...) Il faut dire que tout ceci n'est que le fruit de quarante années à l'école de la dictature du RPT (Rassemblement du peuple togolais). (...) La méthode a marché, Rock est revenu en brillot à la Fédé. Tata a plié bagage, mais les éternels fossoyeurs sont encore dans l'arène." Pour Liberté Tri-Hebdo , le retour de Rock à la tête de la FTF est "une surprise désagréable". Le Canard indépendant déplore "les méthodes de gestion du patron des blind"és lors de ses deux mandats qui n'ont pas convaincu les Togolais. (Et ceux-ci) doutent de sa capacité à mieux faire qu'avant. Sa gestion sans partage et son refus de présenter un bilan financier aux divers congrès organisés durant ses mandats constituent des sources réelles et justifiées d'inquiètude au sein de l'opinion nationale".
Comme de bien entendu, pour les observateurs internationaux, le scrutin du 18 janvier fut "transparent". A défaut d'être libre et démocratique. Mais qui s'en soucie?
Le 22 février, Rock fait démarrer le championnat national dans un désordre sans pareil. L'autorité de tutelle vole à son secours et fournit le nerf de la guerre : 13 clubs sur 16 recoivent chacun 10 millions FCFA. L'argent est déposé sur une table et Rock "Président de la République togolaise de football", sous les feux des projecteurs, remettait à chacun son lot. Le 28 mars, à Accra, la veille du match de Coupe du monde Togo - Cameroun, ce fut une nouvelle fronde des Eperviers qui réclamèrent leur prime du match Togo-Swaziland d'octobre 2008! Adebayor et ses coéquipiers sont conviés au Trésor Public pour toucher, des mains du ministre des Finances, Adji Ayassor, 2 millions de FCFA chacun! L'argent n'a pas transité par le président de la FTF. Le feuilleton Rock Gnassingbé continue.
Les leçons du retour au pouvoir du colonel Rock : la première, au Togo, comme partout ailleurs en Afrique, aucune institution sportive n'échappe pas au contrôle direct de l'autorité politique qui téléguide toute élection des dirigeants, choisit et impose ses candidats. Certes, l'organisation et le déroulement du scrutin peuvent être transparents, mais l'élection n'est jamais libre et encore moins démocratique. La politique du ventre en reste le moteur. La deuxième : on a tout loisir de gérer une fédération sportive comme sa propre entreprise, de ne rendre des comptes qu'à soi-même, l'impunité est garantie.

Faouzi Mahjoub