dimanche 11 juillet 2010

Welcome to South Africa 2010 (33) : les "éléphants blancs" de Zuma

Mardi 6 juillet, de passage au Cap, Jacob Zuma, le président sud - africain claironne : " La Coupe du monde est un succès économique". Zuma n'ignore pas que l' Etat sud-africain aura dépensé officiellement 4,2 milliards d'euros, soit l'équivalent de 2% de son produit intérieur brut (PIB), contre 0,3% pour l'Allemagne en 2006.
" Les effets, écrit Jean-François Bourg membre du Centre de droit et d'économie du sport de Limoges, de cet investissement public massif seront ambivalents. Certes, 2, 6 milliards auront été consacrés au comblement du retard en infrastructure (aéroports, Trains, réseaux routier et autoroutier) et de telles dépenses ont amorti les conséquences de la récession amorcée avant la crise de 2009.
Elles pourront également engendre une amélioration des conditions de vie de la population, instaurer un climat de confiance pour attirer les investisseurs et touristes étrangers et renforcer la cohésion sociale en stimulant un sentiment de fierté nationale. De fait, l'Afrique du sud, qui figure au 30è rang des pays classés selon leur attractivité culturelle, commerciale et touristique, devrait améliorer sa position.
En revanche, la construction de cinq nouveaux stades et la rénovation de cinq autres pour 1,6 milliard d'euros, avec une moyenne de 58 000 places, pose le problème de leur surdimensionnement par rapport aux besoins réels du sport sud-africain, ainsi que de leur coût d'exploitation à long terme. Ne risquent-ils pas de devenir ce qu'on appelle des "éléphants blancs"? En effet, les sports majeurs pratiqués par la minorité blanche aisée (rugby,cricket) disposent de leurs installations qu'ils ne souhaitent pas quitter. Et ce n'est pas le football,discipline privilégiée de la majorité noire pauvre, qui fournira des recettes suffisantes, le niveau du championnat étant extrêmement faible, l'affluence moyenne ne dépassant pas 8000 spectateurs contre 40 000 en Allemagne.
Pourtant, ces coûts socialisés sont à la base de la formation de profits privés et d'avantages commerciaux dont bénéficient la Fifa - 2,5 milliards d'euros de recettes entre 2007 et 2010 - et ses partenaires (Coca-Cola, Adidas, Visa, McDonald's...) qui prennent en charge seulement certains coûts de courte période liés au spectacle. Aussi, une simple modernisation des installations existantes, à la place de cette politique de prestige imposée parla Fifa, aurait-elle permis à l'Afrique du Sud d'utiliser ces fonds publics pour des dépenses fondamentales dans les domaines du logement,de la santé, de l'éducation et de la lutte contre la pauvreté,dans un pays classé au 129è rang mondial selon l'indicateur de développement humain de l'ONU..
C'est pourquoi la Fifa, dont le fonds de commerce repose sur les valeurs éthiques du sport, serait bien inspirée de dépasser sa logique financière en allégeant le cahier des charges du Mondial et en supportant une partie des investissements sportifs. Car si le Canada a payé durant trente ans la facture des JO de Montréal (1976), et si la Grèce et le Portugal ont creusé leur surendettement avec les JO d'Athènes (2004) et l'Euro (2004), l'Afrique du Sud, qui appartient toujours au tiers-monde, se souviendra longtemps des "éléphants blancs" du Mondial 2010."
Le Monde,2 juillet 2010

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire